On vous emmène en Côte d'Ivoire aux environs de Tiassalé à 120 km au Nord Est d'Abidjan. Stéphane Sénan, agronome de terrain pour l'Afrique chez ETHIQUABLE, y a retrouvé les producteurs de cacao de la Coopérative Equitable du Bandama (CEB) en pleine préparation de la récolte.
Petit retour en arrière. En 2006, Ethiquable décide de lancer un projet de cacao équitable et bio dans le premier pays producteur de cacao au monde. Pour compléter notre gamme des cacaos latino-américains, il nous fallait un chocolat au cacaoté intense typique des cacao d'Afrique de l'ouest. L'enjeu était fort également de soutenir une coopérative équitable dans un pays dominé par la production de masse où le commerce équitable était à ses débuts et la production bio inexistante.
Avec l’INADES Formation, l'ONG ivoirienne avec laquelle nous avions travaillé la filière noix de cajou, nous avons soutenu l'initiative du village de M’Brimbo pour constituer sa propre coopérative : la Coopérative Equitable du Bandama (CEB). En misant sur un groupe d'un seul village, l'objectif est de constituer une coopérative avec une véritable participation et un fonctionnement démocratique.
Jean Salo EVARIST, le président de la CEB et Stéphane Sénan d'ETHIQUABLE
Le défi d'une certification bio : une première pour le cacao ivoirien. Depuis 2008, Stéphane Senan - agronome d'Ethiquable - accompagne la CEB pour mettre en place la certification bio qui n'avait jamais été tenté par des producteurs de cacao de Côte d'Ivoire. Le premier défi a été la mise en oeuvre de toute la partie documentaire et normative de la certification bio (identification des parcelles par GPS, mise en place de cahiers de culture par famille, traçabilité physique des lots, …).
Puis il a fallu résoudre les problèmes phytosanitaires qui n'ont pas tardé à apparaître dans ces parcelles autrefois traitées avec des produits chimiques, en trouvant des produits de traitement bio adaptés. Maintenant, l'enjeu est de faire évoluer les cacaoyères vers des systèmes de production agro-forestiers plus adaptés à une production bio, avec une introduction progressive d'arbres d'ombrage dans les parcelles.
Dans un pays où la production intensive et la culture en pleine lumière domine, le projet bio de la CEB est une grande première.
Nos premiers achats à la CEB datent de 2010. En 4 ans, nous les avons multiplié par 4.
Revenons à cette récolte. C'est en fait la seconde de l'année : elle se déroule entre novembre et janvier, la première s'échelonnant entre avril et mai. Tout commence par la cueillette des cabosses à la machette, qui s'effectue avec précaution, sans blesser l’arbre, ni abîmer les autres fruits en croissance.
Les producteurs passent à l'écabossage : la cabosse est fendue en deux dans sa longueur et vidée de ses fèves et de sa pulpe. Il faut de la précision pour ne pas léser les fèves sous-jacentes. A ce stade, les fèves n’ont encore aucune odeur de cacao.
La fermentation des fèves : une innovation pour obtenir un chocolat aromatique. En Côte d'Ivoire la fermentation du cacao se fait traditionnellement en tas directement dans la parcelle. Cette technique rustique est efficace, mais ne correspond pas aux attentes pour fabriquer des chocolats fins et aromatiques.
Une première amélioration consiste à utiliser des bâches en plastique pour créer un bas de fermentation étanche. Mais l'innovation la plus intéressante concerne la fabrication de bacs de fermentation en bois pour transformer le cacao de façon centralisée au village.
Cette technique nouvelle en Côte d'Ivoire, mais parfaitement maîtrisée chez nos partenaires latino-américains, permet de réaliser une fermentation parfaitement contrôlée en 5 jours, avec un brassage régulier pour assurer l'aération nécessaire à la fermentation acétique et la montée en température des fèves jusqu'à 50°.
La fermentation est une phase déterminante dans la fabrication du chocolat car elle débarrasse les fèves de leur pulpe et développe les précurseurs d’arôme du futur chocolat.
Avec une transformation de ce type, le cacao de Côte d'Ivoire souvent perçu comme un produit standard du marché de masse devient un cacao de pure origine, d'un seul terroir, avec une forte typicité et des arômes cacaotés affirmés.
Pour assurer la conservation et le transport des fèves, il faut réduire leur taux d'humidité. Les fèves sont alors séchées de façon naturelle au soleil. Le séchage sur des claies de bambous est une technique à la fois efficace et respectant le caractère bio du produit.
Les fèves sont enfin triées suivant la qualité et mises en sac de jute, prêtes pour l'exportation.
Il faut aussi prévoir l'avenir en entretenant les cacaoyères avec de jeunes plants. La directrice de la CEB, Estelle KONAN, et son assistant, Etienne, travaillent ensemble à l'élaboration des plans de campagne de collecte. Ils préparent les avances qui seront faites aux producteurs et répondent aux exigences des cahiers des charges biologique et équitable suite au passage de l'inspecteur Ecocert...Le magasinier reçoit chaque jour le cacao des membres dans le local de stockage dédié spécifiquement au cacao biologique.
Le prix ETHIQUABLE. le prix commerce équitable payé par Ethiquable permet de rémunérer les producteurs de la CEB à 1250 FCFA/kg de cacao fermenté et bien séché à 7,5% d'humidité (prix bord champs). C'est presque deux fois plus que le prix payé par les multinationales NESTLE ou CARGILL (750 FCFA/kg).
Le cacao biologique en Côte d'Ivoire est insignifiant.
Compte tenu de la densité importante des plantations de cacao en Côte d'Ivoire, la pression parasitaire est telle que les attaques d’insectes sont fortes ce qui nécessite l’application de nombreux traitements chimiques. Mais la CEB est située dans une zone en marge de la grande boucle du cacao.
Depuis 3 ans, grâce au programme biologique, ils ont su trouver des alternatives aux intrants chimiques en appliquant du compost naturel, et aux insecticides en utilisant des mixtures à base de plantes locales. Un élagage précis et systématique des cacaoyers a permis d'améliorer les rendements. C’est une initiative inédite en Côte d’Ivoire dans un secteur ultra concentré partagé entre 4 multinationales seulement !
Vos réactions