CACAO : SA FILIÈRE EN CRISE & LE COMMERCE ÉQUITABLE 3/3
Publié le 23 avril 2013 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2020
Le cacao équitable que nous défendons est issu de véritables filières alternatives qui ont pour but de transformer réellement le mode de production et de commercialisation. Le premier élément moteur de la réussite des coopératives de petits producteurs de cacao a été le cacao de qualité avec la mise en œuvre d’une fermentation et d’un séchage contrôlés. Ce processus, nécessaire au développement des précurseurs d’arômes, permet d’obtenir un cacao aromatique destiné aux marchés de la chocolaterie fine.
Transférer les compétences entre nos partenaires cacao
En Haïti par exemple, le cacao simplement séché au soleil n’était pas fermenté. Il était donc destiné exclusivement au marché de masse, non différencié, sans obtenir de prix rémunérateur. Dans le cadre de notre partenariat avec la FECCANO, un réseau de 6 coopératives au Nord d’Haïti, il était nécessaire que les producteurs maîtrisent cette technique de fermentation. Nous avons sollicité deux autres coopératives partenaires pour réaliser un transfert de compétence. Des techniciens de CEPICAFE au Pérou et UROCAL en Equateur ont effectué des séjours en Haïti pour enseigner la pratique de la fermentation en caisses de bois, pour obtenir un cacao fin et aromatique. Avec cette innovation, la FECCANO a véritablement créé un nouveau produit, maintenant apte de faire des chocolats d’origine de grande qualité.
Les coopératives, vecteur d’un cacao de qualité
Dans la plupart des pays producteurs, le retrait de l’Etat a conduit à une quasi-disparition des systèmes de vulgarisation agricole. Les contrôles des filières de collecte sont souvent insuffisants ou inexistants. Or, les chaînes traditionnelles d’intermédiaire ne rémunèrent nullement les efforts des producteurs pour obtenir une qualité. Au contraire, chacun profite du vide laissé pour accroître sa rémunération au détriment de la qualité (mélangeant par exemple le bon cacao avec des écarts de triage ou des résidus de récolte pour accroître le poids). Dans un tel contexte, les organisations de producteurs sont les seules à pouvoir imposer une discipline, proposer des prix différenciés selon les qualités et ainsi relancer un cycle vertueux et rémunérateur de l’amélioration de la qualité.
L’innovation du cacao bio
Le second moteur de la réussite des coopératives a été la certification bio. Lorsque la cacaoculture est pratiquée sous couvert d’arbres, le renouvellement de la fertilité des sols se fait de façon naturelle à partir de l’humus généré par le système agro-forestier. Les paysans n’utilisent donc aucun engrais ou pesticide. Ils leurs est alors assez facile d’obtenir une certification bio, sans changer fondamentalement leur mode de production, même si les producteurs bio intègrent de nouvelles pratiques agricole qui vont dans le sens d’une intensification agro-écologique (compost, taille des arbres, recépage, greffage..). Pour les petits producteurs, la certification biologique consiste principalement avec l’aide de sa coopérative à enregistrer les informations concernant la production (tenue d’un cahier au niveau de chaque producteur), la traçabilité des produits et un système de contrôle interne (des « auditeurs paysans » chargés d’effectuer des contrôles de terrain).
La valorisation des origines de cacao
Les filières alternatives sont également celles qui permettent la mise en valeur des origines de cacao. Celles qui favorisent la diversité des cacaos et refuse l’uniformisation des goûts des chocolats. Les cacaos sont habituellement classifiés en trois catégories, les criollos, les trinitarios et les forasteros. Mais cette classification issue des botanistes du 19ème siècle est loin de représenter la biodiversité réelle du cacao. Les recherches récentes qui s’appuient sur la transcription des génomes montrent qu’il existe en réalité une multitude de cultivars locaux. Ils ont souvent été marginalisés au profit de variétés provenant de la recherche agronomique (hybrides ou non), au rendement à l’hectare plus important, et largement mis en avant par la vulgarisation agricole. Ce n’est que récemment que l’on s’intéresse aux variétés anciennes, aux caractéristiques aromatiques spécifiques, qui font la richesse des vergers paysans.
Les coopératives de commerce équitable ont un grand rôle à jouer dans la mise en valeur de cette biodiversité. D’ailleurs, tous nos partenaires ont aujourd’hui clairement orienté leurs actions vers la préservation de ces variétés, en réalisant des pépinières et des jardins constitués avec les meilleurs spécimens de la région qui servent de réserve pour le greffage ou la replantation. Les prix rémunérateurs du commerce équitable doivent permettre aux coopératives de mettre en œuvre ces stratégies basées sur les variétés locales.
Le cacao équatorien doit sa réputation à la variété locale, le Nacional, qui donne un chocolat fin et aromatique, aux notes florales très caractéristiques. Pourtant le Nacional ne constitue plus que 30% de la production équatorienne, la restant provient d’un hybride très productif, le CCN53, mais aux caractéristiques organoleptiques particulièrement médiocres. Dans les cacaoyères paysannes de la coopérative FONMSEOAM de Esmeraldas, les cacaoyers de variété Nacional ont des rendements trois fois inférieurs à ceux des hybrides. Avec un nouveau débouché rémunérateur, les producteurs sont sur le point de démontrer qu’ils peuvent accroître la productivité de leurs parcelles tout en préservant leur variété ancienne.
Certes les saveurs du cacao dépendent beaucoup du matériel végétal, de la variété des cacaoyers (certainement plus que dans le café). Mais, les autres éléments qui font un terroir comptent également : le sol, le climat et surtout, la façon de faire des producteurs, dans les soins apportés à leur verger et dans le mode de transformation de leur cacao. Ainsi, le goût du chocolat pure origine Madagascar, toujours reconnaissable dans une dégustation à l’aveugle, est le fruit de cette alchimie complexe. L’amélioration de la qualité du cacao par la coopérative FECCANO en Haïti a permis de mettre en valeur un terroir d’exception jusque là totalement occulté dans le monde du cacao. En défendant les origines, le commerce équitable que nous choisissons, contribue à faire connaître ces terroirs, à revaloriser l’image pays du cacao et donc in-fine à améliorer les prix de cette origine sur le marché.
Contrairement aux producteurs français qui ont su peser sur leurs filières à travers les institutions qu’ils ont créé, les producteurs de cacao sont aujourd’hui encore très éloignés des réalités de leur filière. Loin des pays de consommation, dépendants des exportateurs, les producteurs ne connaissent pas leur marché. Le commerce équitable que nous favorisons a pour fonction essentielle de rapprocher les producteurs de leur marché. Cela passe par des visites des leaders paysans en Europe lors de différents évènements (salon du chocolat, quinzaine, etc.), afin de préparer progressivement un nouvelle insertion des producteurs dans leur filière.