Si l’on redécouvre l’agroforesterie en Europe, cette pratique agro-écologique fait vivre un milliard d’habitants des zones tropicales. Elle tire parti de la complémentarité des arbres et des cultures pour mieux valoriser les ressources du milieu. Elle lutte contre l’érosion des sols et leur épuisement par régénération et entretien de leur fertilité. Bien loin du système de monocultures, les paysans du Sud, partenaires d'ETHIQUABLE en connaissent bien les avantages car c’est une pratique traditionnelle que nous soutenons.
L’agrofesterie, à quoi ça ressemble ?
Les coopératives avec lesquelles nous travaillons, pratiquent des agroforesteries différentes :
- cela va des cultures sous couvert arboré où de grands arbres dominent une culture sous-jacente. Par exemple, le café ou le cacao sont cultivés sous des arbres d’ombrage. Ou encore la vanille où l’arbre sert de tuteur à une culture grimpante.
- jusqu'aux jardins agroforestiers où les producteurs associent diverses cultures à des espèces pérennes et annuelles qui ressemblent à des forêts. C'est typiquement le cas du jardin créole Haïtien. Le jardin agroforestier est une sorte de jardin potager dans laquelle les arbres ont une importance majeure.
L’agroforêt stricto sensu est une authentique forêt cultivée, souvent très diversifiée, qu’elle soit plantée ou résultant de la domestication d’une forêt naturelle.
L’agroforesterie n’est pas une déclinaison d’un projet de boisement mais bien une manière de produire autrement, sur une parcelle agricole arborée, où l’arbre trouve une fonction agro-économique au sein du système de culture.
Des sols protégés
Avec une couverture du sol permanente, elle permet d’éviter les phénomènes d’érosion qui sont rapidement fatals en milieu tropical. Le niveau élevé de précipitation associé à une parcelle cultivée au sol nu entrainent une érosion, voire une perte de sol fertile. C’est notamment le cas en Haïti où la déforestation massif conduit à un ruissellement des terres fertiles dans la mer : 60% des terres cultivées sont situées en montagne sur des pentes très fortes (de 20 à 80%) et le régime des pluies souvent violentes favorise ce ruissellement.
L’arbre permet au sol de ne pas se dégrader et garder sa fertilité en le protégeant de rayonnement solaire direct et du vent. Il améliore le sol puisqu’il maintient son humidité tout en faisant baisser la température par l’ombrage.
Des sols plus fertiles
Il fournit aussi une matière organique riche, abondante et adaptée et les éléments nutritifs nécessaires au développement des cultures plantées. La qualité des sols est ainsi améliorée grâce à la couche formée par la chute des feuilles. Les racines des arbres vont en effet puiser en profondeur dans le sous-sol, les éléments minéraux et l’eau que les cultures moins profondes ne peuvent pas atteindre. Ces éléments sont remis à la disposition des cultures en sous étage par le canal des feuilles qui tombent et se décomposent.
La productivité des systèmes agroforestiers est généralement beaucoup plus élevée que celle des systèmes monoculturaux. La surface et l’absorption de l’énergie lumineuse sont optimisées et les intrants sont réduits avec une production de biomasse plus importante.
L’agroforêt strito sensu engendre une diminution de la pression sur des forêts naturelles. Les agroforêts préservent donc les forêts primaires et permettent de stocker le carbone dans les plantes et le sol.
Un facteur biodiversité
L’agroforesterie contribue beaucoup au maintien de l’équilibre de l’écosystème, voire elle stimule un système écologique complet avec une forte biodiversité. Elle présente une garantie contre les perturbations des équilibres que présente le changement climatique ou l’invasion de ravageurs.
La biodiversité des agroécosystèmes assure donc une « bonne santé » des cultures. La protection des plantes les unes par les autres contre leurs parasites permet de réduire l'utilisation d'engrais et de pesticides. La lutte intégrée (lutte contre les ravageurs en privilégiant les méthodes biologiques) y est donc plus aisée.
Une garantie économique
D’un point de vue économique également, comme l’agroforesterie met sur une même parcelle de nombreuses cultures, ce type d’agriculture est beaucoup plus sûr en termes de revenu minimum ou de souveraineté alimentaire que des systèmes basés sur la monoculture. Surtout, la vulnérabilité des cultures est réduite.
Et l'agroécologie dans tout ça ?
L'agroécologie associe le développement de l'agriculture à la ''protection-régénération'' de l'environnement naturel. Les techniques agroécologiques incluent le contrôle biologique (lutte contre les maladies et les indésirables par des prédateurs naturels), l'agroforesterie (arbres et cultures sur les mêmes parcelles de terre), le stockage naturel de l'eau, les cultures intercalaires, l'utilisation de fumier biologique ou encore le mélange culture-bétail.
Toutes ces techniques ont pour caractéristique commune le faible - voire zéro- recours aux intrants extérieurs (engrais chimiques et pesticides).
Le Rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation, Olivier De Schutter dans un rapport présenté en 2011 au Haut-commissariat aux droits de l'Homme, affirme : ces méthodes sont ''plus efficaces que le recours aux engrais chimiques pour stimuler la production alimentaire dans les régions difficiles où se concentre la faim'' tout en "facilitant l'adaptation au changement climatique''.
''Il est prouvé que ce type de technique à faible utilisation d'intrants externes, qui préserve les ressources, peut accroître considérablement les rendements tout en fournissant de l'emploi rural et en réduisant le coût des traitements.''