Thé : au Sri Lanka des petits producteurs de thé bousculent les codes, dans le 3e pays exportateur au monde
Alors que le thé est un des piliers de l’économie du pays, son mode de production, combinant mono-culture, recours aux intrants chimiques et plantations, donne des signes d’essoufflement dans un contexte de changement climatique.
Le projet de « passage au tout bio » à l’échelle du pays en 2021 s'est soldé par un échec et illustre bien la complexité à faire évoluer ce modèle dominant, sans un véritable accompagnement et une compréhension fine des dynamiques agroécologiques nécessaires.
À l’opposé, la coopérative SOFA, partenaire d'Ethiquable depuis 2003, démontre que ce changement peut avoir lieu et qu’une autre manière de cultiver le thé est possible. Des prix, 69 % plus élevés que le prix du marché conventionnel, ont nourri une culture alternative réussie, bien accompagnée et basée sur des pratiques agroécologiques : cultures sous ombrage, gestion naturelle de la fertilité, cultures associées sur la même parcelle.
La culture du thé au Sri Lanka : un modèle à bout de souffle
Le thé, introduit au 19e siècle dans le pays par les Britanniques, est une des principales sources de revenus et d'emploi du Sri Lanka. Aujourd’hui, le pays est le troisième plus grand exportateur de thé au monde. 1 milion de personnes travaillent directement ou indirectement dans cette filière. Une grande partie du thé est toujours produit selon un modèle de plantations étatiques ou privées.
Un modèle en mono-culture néfaste pour la biodiversité
Le Sri Lanka était autrefois couvert de forêts tropicales abritant une des plus riches biodiversités du monde. L’expansion massive des cultures de rentes, sous la colonisation majoritairement, ont conduit à la déforestation du pays.
Les monocultures qui remplacent la forêt ont beau être visuellement vertes, elles représentent un « désert végétal » incomparable à un milieu forestier : perte drastique de biodiversité végétale et animale, pollutions aux intrants chimiques, risques élevés d’erosion et de glissements de terrain sur les sols en pentes.
Une région aux premières loges du changement climatique
Le Sri Lanka est une île soumise à un régime complexe de mousson, qui entraine des évenements climatiques parfois extrêmes. Les monocultures telles que pratiquées par le thé conventionnel sont particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique. Les glissements de terrain, le changement du régime des pluies, les attaques croissantes de ravageurs, sont les menaces qui pèsent de plus en plus sur cette culture avec 30% de récoltes en moins en 2024.
25 ans de construction d’une alternative écologique à la culture du thé, par la coopérative SOFA
Des prix équitables pour nourrir un modèle diversifié et intégré
L’intégration dans des filières de commercialisation bio et commerce équitable a donné les moyens à la coopérative SOFA, et ses membres, de mettre en place des pratiques agroécologiques ambitieuses, ancrées dans le temps.
Arthur Gautier, agronome en charge de la relation avec la coopérative, en visite dans une parcelle en novembre 2024
Cette réussite s’inscrit à contre courant du « passage au bio » catastrophique, décrété par le gouvernement en 2021, dans un contexte de manque de devises pour importer des intrants. Le changement de modèle brutal, sans accompagnement, a conduit à un baisse généralisée des rendements dans des secteurs aussi essentiels que le thé et le riz.
La coopérative SOFA a su, quant à elle, inscrire des pratiques respectueuses de l’environnement, avec de très bons rendements sans apports extérieurs, grâce à un travail d’appui dans le temps.
Le pari d’une agriculture diversifiée
Une parcelle de producteur intégrant plusieurs strates de cultures, dont le thé en premier plan
De véritables « jardins » accueillent la culture du thé. Les théiers sont inclus dans un ecosystème complexe et interdépendant :
• Une strate arbustive incluant théier, gingembre, curcuma, cardamome, iramusu, etc
• Une strate arborée cultivée : muscadier, giroflier, cocotier et palmier bétel qui servent de tuteurs au poivre et à la vanille, ainsi que des arbres fruitiers.
• Une strate de grands arbres d’ombrage, de variétés locales.
Les feuilles de thé se développent doucement à l’ombre de ces arbres offrant un thé aux qualités aromatiques plus riches qu’en monoculture.
“On peut retrouver plus de 50 espèces sur un hectare.”
Un accompagnement technique dans le temps pour pérenniser les pratiques
Une unité de préparation de biofertilisant de la coopérative
Grâce à la prime du commerce équitable, les membres de la coopérative ont pu recevoir des formations, être accompagnés techniquement pour développer ces pratiques agroécologiques :
• Fabrication de préparations biofertilisant, de lombri-compost et de compost pour fertiliser leurs parcelles. 100% des membres appliquent du compost chaque année dans leurs parcelles. Leurs sols riches en matière organique retient bien mieux l’eau de pluie et les nutriments.
• Mise en place de fossés parallèles aux courbes de niveau, permettant de recueillir l’eau de pluie afin qu’elle s’infiltre dans le sol. De cette façon, la terre superficielle n’est plus emportée par les pluies pendant la mousson. Elle vient se déposer dans ces fosses et peut être récupérée pour être disposée au pied des théiers.
• Ajout de couvert végétal au sol (mulch) afin d’éviter la terre nue, composé de branches, de feuilles de palmier ou de fibres de noix de coco positionnées aux pieds des arbres.
Des revenus en croissance pour les producteurs
Les prix payés à la coopérative par Ethiquable étaient en moyenne 69% plus élevés que le prix du conventionnel en 2023.
- La collecte de thé par membre a été multipliée par 4 en 20 ans
- Les épices cultivées en association (cardamome, poivre, cannelle, gingembre, curcuma, …) trouvent également des débouchés via le commerce équitable et offrent des revenus complémentaires aux producteurs.