Le cacao représente la première filière d’importation chez ETHIQUALE. Le chocolat correspond environ à de 35% de nos ventes. En 10 ans de travail sur le terrain, nous avons monté 7 filières cacao équitable et bio en partenariat avec des organisations de producteurs. Ce sont 240 familles paysannes en Equateur, 1500 au Pérou, 2000 en Haïti, 450 à Madagascar, 280 en Côte d’Ivoire et 540 au Nicaragua. Quelques 80 000 personnes dépendent de près ou de loin des actions menées par ces coopératives soutenues par ETHIQUABLE. Notre action est locale, mais elle s’inscrit dans une lecture plus globale de la filière cacao.
Une situation de crise
90% de petits producteurs
Près de 40 millions d’individus vivent de la culture du cacao. Plus de 90% d’entre eux sont des paysans qui exploitent moins 10 hectares et gagnent moins de 5 dollars par jour et par travailleur. Le cacao, troisième marché alimentaire mondial (après le café et le sucre), est très rarement produit par des entreprises ou des grandes plantations, il est presque exclusivement issu de petits producteurs.
… dans une filière contrôlée par quelques multinationales
À l’autre bout de la chaîne, plus de 90% de la transformation et de la distribution de cacao et de chocolat sont contrôlés par dix entreprises multinationales. Les cinq plus grandes entreprises de broyage de fèves de cacao, Cargill (14,5%), ADM (13,5%), Barry Callebaut (12,5%), Petra Foods (7%) et Blommer (5,3%) contrôlent plus de la moitié de la transformation primaire du cacao. De la même façon, plus de 50% de la fabrication du chocolat est aux mains de seulement 5 entreprises : Kraft (14,9%), Mars (14,5%), Nestlé (7,9%), Hershey’s (4,6%) et Ferrero (4,5%); (cocoa barometer, ICC)
Un déséquilibre synonyme de pauvreté
Face à cette extrême concentration des entreprises à l’aval de la filière cacao, les petits producteurs sont atomisés, dispersés, sans capacité d’agir pour défendre leurs intérêts. Au cours des deux dernières décennies, le retrait des Etats dans la régulation des filières a contribué à creuser cette asymétrie entre producteurs et industriels. Cette situation explique qu’en valeurs ajustées, les prix réels perçus par les producteurs ont été constamment en baisse depuis les années 70. Avec des revenus de 100 à 500 USD par an et par travailleur, les familles de cacaoculteurs sont restées dans une grande précarité. Les plus fragiles d’entre-eux parce qu’ils ont moins de terre et une trop faible productivité se situent en dessous du seuil de pauvreté. Ces situations sont aggravées par la forte volatilité des cours mondiaux du cacao.
… qui entraîne un abandon du cacao par les producteurs.
L’abandon du cacao par les jeunes générations est un phénomène constant dans différents pays producteurs. Les jeunes qui ne voient pas d’avenir dans le cacao s’orientent vers la production d’autres denrées plus lucratives ou migrent vers les villes. Par manque d’investissement dans la rénovation des plantations ou la régénération de la fertilité des sols, la production décline dans de nombreuses régions cacaoyères.
La crise de la cacaoculture est telle qu’il y a même aujourd’hui une inquiétude de l’industrie face à un futur déficit structurel de cacao.
L’enjeu du commerce équitable : redonner du pouvoir aux producteurs
Ne pas se limiter au prix équitable
Dans un tel contexte de concentration du marché, le commerce équitable que nous défendons ne peut pas se limiter à un prix plus rémunérateur. Il doit s’inscrire dans une vision plus large de renforcement des organisations de producteurs pour améliorer leurs capacités de négociation et défendre leurs intérêts dans les filières.
Nos prix stables et rémunérateurs, nos actions d’accompagnement ou nos préfinancements permettent d’assurer la viabilité économique des coopératives, mais leur donne aussi la possibilité de former des femmes et des hommes, pour qu’elles-ils puissent demain peser sur l’avenir de la filière.
Miser sur l’autonomisation des coopératives
Au delà d’une action locale, le commerce équitable peut contribuer à modifier les rapports de force entre acteurs du marché. En appuyant l’émancipation des organisations de producteurs, il peut contribuer à plus d’équité, mais aussi plus de démocratie dans les filières.
Le commerce équitable que nous défendons a pour moteur principal l’empowerment, le renforcement des capacités et de l’autonomisation des organisations de producteurs. Là où les producteurs ne sont pas organisés, il doit favoriser la création de nouvelles organisations et accompagner leur phase de démarrage. C’est ce que nous avons fait, par exemple, dans la région d’Esmeraldas en Equateur en permettant à la jeune coopérative FONMSOEAM de se structurer et d’acquérir progressivement des capacités.
Les producteurs doivent intégrer l’aval de la filière
Pour
ETHIQUABLE une organisation de producteurs doit parvenir à maîtriser la fonction d’exportation. La confier à un exportateur au nom de l’efficacité ou du réalisme économique, nous semble contraire au but recherché, celui de favoriser l’autonomie des producteurs au sein de la filière. A Madagascar, par exemple, pays où les filières d’exportation sont dominées par des commerçants efficaces et puissants, se lancer dans une première exportation de façon autonome était un enjeux considérable pour la
coopérative Lazan’ny Sambirano. Un prix stable et rémunérateur, mais aussi un accompagnement technique opportun, a permis à la coopérative de passer le cap et réaliser une exportation directe, ce qu’aucun producteur de cacao n’avait réalisé jusque là.